Florisse Adjadohoun : Un rôle marquant dans « Et que mon règne vienne » aux JTC 2024
Présente aux Journées Théâtrales de Carthage (JTC 2024) à Tunis, Florisse Adjadohoun brille dans la pièce « Et que mon règne vienne« , une œuvre puissante écrite par Léonora Miano et mise en scène par Odile Sankara. À travers son rôle qui captive le public avec une narration poignante et une interprétation sans faille, l’actrice d’origine béninoise livre une prestation marquante qui résonne avec des thématiques profondes d’identité, de lutte et d’émancipation. Dans une interview exclusive, Florisse revient sur cette expérience unique et sur ce que représente pour elle ce rôle dans cette pièce phare des JTC 2024.
Florisse Adjadohoun, dans le rôle principal de cette pièce de théâtre qui porte les marques du pays des hommes intègres (Burkina-faso) aux JTC 2024, incarne un personnage complexe, qui traverse les dédales de l’histoire et des luttes internes avec une énergie captivante. Son interprétation, riche en émotions et en nuances, a impressionné plus d’un.
Un choix artistique mûrement réfléchi
Florisse Adjadohoun explique que sa décision de jouer dans la pièce « Et que mon règne arrive » de Léonora Miano découle de l’approche féministe et de la réflexion profonde sur les valeurs que la pièce véhicule. Florisse a été attirée par le concept de l’énergie féminine, qui n’est pas une lutte contre l’homme, mais une collaboration avec lui, afin de créer un équilibre dans la société.
Pour Florisse, intégrer cette production n’a pas été un choix anodin car elle a été séduite par la portée du texte et les défis qu’il propose aux comédiens. « Ce texte m’a tout de suite interpellée par sa force et sa profondeur. J’ai senti qu’il portait un message essentiel sur la condition humaine, mais aussi sur le rôle des femmes dans nos sociétés », confie-t-elle. Ce choix est aussi une affirmation de son désir de participer à des projets artistiques engagés, capables de questionner et d’élever le public. « J’ai toujours voulu jouer des rôles qui ont un sens profond, qui font réfléchir. Ce rôle dans ‘Et que mon règne vienne’ est un défi, mais aussi une opportunité incroyable d’explorer des dimensions humaines et sociétales intenses », renchéri-t-elle. Chaque scène est pour Florisse une occasion de repousser ses limites artistiques et de se connecter à l’essence même du théâtre qui est de transmettre des émotions et des réflexions.
Son rôle dans la pièce et son interprétation
Florisse interprète le personnage du professeur Héidopée, qui porte un discours philosophique sur l’importance de la transmission des valeurs et de la sagesse aux jeunes générations, et en particulier aux filles. Elle se sent investie d’une lourde responsabilité, car elle porte non seulement les paroles de l’autrice mais aussi une vision de l’Afrique et du monde. Elle cherche à transmettre un message profond à travers son rôle, soulignant que la lutte féministe ne doit pas se réduire à des gestes symboliques mais à une véritable transformation intérieure. Florisse parle de la complexité du texte, qui va au-delà du simple théâtre. Elle le décrit comme un discours philosophique qui nécessite une préparation méticuleuse pour être incarné sur scène. Elle souligne que la pièce a une portée universelle, abordant des thématiques qui résonnent à la fois en Afrique et dans le monde entier.
Une vision engagée de l’émancipation féminine
L’une des raisons qui a poussé Florisse à rejoindre ce projet est la vision de l’émancipation féminine véhiculée par la pièce. ‘’Moi, ce texte de Léonora Miano m’a parlé tout de suite. Je me suis dit, oui, c’est maintenant le règne du féminin. Le règne du féminin ne veut pas dire forcément le règne de la femme. L’énergie féminine, telle que Léonora Miano le dit, n’est pas forcément le règne de la femme. Mais cette énergie qui vous permet d’être sensible aux choses, sensible aux mots, et de pouvoir avec sagesse apporter des solutions, et cela veut dire qu’on ne met pas de côté les hommes. Et moi, c’est ça qui m’a plu. Parce que pour moi, l’émancipation de la femme ne veut pas dire, oui, je suis la femme, je porte le pantalon, et à la maison, l’homme, je l’écrase. Non, je fais avec l’homme. L’homme fait avec moi. C’est ça. Et donc, dès que j’ai lu ce texte, tout de suite, ça m’a formée, parce que ça vient un peu répondre à mes aspirations’’.
À travers son rôle, elle explore les multiples facettes de la lutte des femmes pour leur autonomie et leur reconnaissance. « Cette pièce est un hommage à toutes celles qui se battent pour leurs droits et leur dignité », explique-t-elle avec passion. Une appréhension qui pousse notre curiosité à savoir si Florisse ne serait pas dans le rang de ses femmes dites “féministes’’. Sa réaction est catégorique : Florisse se distance de l’idée simpliste du féminisme, qu’elle considère souvent mal compris. Selon elle, le féminisme ne signifie pas écraser l’homme, mais valoriser la contribution des femmes à la société sans chercher à se placer au-dessus des hommes. Elle insiste sur le fait que l’émancipation de la femme passe par une prise de conscience des valeurs profondes et par un travail d’éducation envers les générations futures. ‘’ Je n’aime pas trop ce mot, j’avoue, sincèrement, j’aime pas trop ce mot féministe, parce que ce mot a été galvaudé, il a été mal compris…le fait de dire aux hommes, bon, maintenant, c’est vous qui allez faire la cuisine aujourd’hui… Ce n’est pas ça du tout, du tout, alors là on est passé à côté complètement de la blague. Ce n’est pas ça, c’est pas cette lutte-là que moi j’aimerais mener, c’est pas de cette manière-là que j’entends mener une lutte, si jamais, on me dit que je suis féministe.
Florisse Adjadohoun à plutôt une autre appréhension du féminisme : ‘’Ce que moi j’entends par être féministe, je n’ai pas besoin de dire que je suis une femme. Je suis une femme et ça s’arrête là. Mon apport à la société, c’est l’aide que je peux apporter à celui qui est un homme et qui est à un poste de responsabilité. J’ai quelque chose à apporter en tant que femme, et cette sensibilité que j’ai, que l’homme peut aussi avoir, mais qu’il ne cultive pas, moi je peux lui apporter cette sensibilité-là. C’est ce que j’appelle, moi, être féministe et lutter pour que mes droits soient respectés, et apporter, exister en tant que femme tout simplement. Ce n’est pas parce que je suis une femme que je dois être mise de côté, alors que j’ai des choses à apporter pour le développement de ma nation, pour le bien-être de la société. Parce qu’après tout, c’est d’abord la femme qui porte l’être humain qui va devenir demain un cadre, un président de la République, un ministre, un directeur de société, c’est nous les femmes qui portons. Et si nous, déjà à notre niveau, nous ne savons pas quelle est la lutte que nous devons mener, quel est le sens profond de cette lutte que nous devons mener, alors là nous allons créer, nous, les femmes, une société malade. Donc c’est ça, en fait, la lutte commence par nous.’’, explique-t-elle.
Porter la voix de l’Afrique et des femmes
Pour Florisse, ‘’Et que mon règne vienne’’ est un cri du cœur, une invitation à repenser les rapports de pouvoir et à valoriser la résilience féminine. Cette pièce est aussi un moyen de porter la voix de l’Afrique et de ses femmes sur la scène internationale. « C’est un message fort que cette pièce envoie : l’Afrique a des choses à dire, des histoires à raconter, des combats à mener. Et les femmes en sont les porteuses les plus légitimes », affirme-t-elle avec conviction. À travers cette pièce de théâtre, Florisse espère inspirer d’autres femmes à croire en leur potentiel et à faire ‘’la bonne revendication’’ de leur place dans la société.
Des conseils inspirants aux jeunes filles
En marge de sa performance aux JTC 2024, Florisse a tenu à s’adresser aux jeunes filles. Son message est clair : croire en soi, persévérer et ne jamais abandonner ses rêves. « Je veux dire à toutes les jeunes filles que tout est possible. Il faut oser, se battre et surtout ne jamais douter de sa valeur », conseille-t-elle avec conviction. Pour elle, chaque femme a le pouvoir de transformer sa vie si elle croit en son potentiel.
Quant à la pièce « Et que mon règne vienne« , elle continue de séduire les spectateurs aux JTC 2024, et la performance de Florisse Adjadohoun ne fait que confirmer qu’elle demeure l’une des actrices les plus talentueuse de sa génération. Son engagement, son talent, et sa capacité à incarner des personnages profonds ne confirment que le professionnalisme d’une artiste passionnée, qui, à travers chaque rôle, continue de faire entendre la voix des peuples et de l’histoire.
Bérénice Célia Gainsi
Share this content:
Laisser un commentaire