JTC 2024/ « Médecin après la mort » : Une leçon de responsabilité pour les dirigeants africains
Un drame satirique, plongeant le public dans un univers sombre et symbolique, tout en mettant en lumière les conséquences de l’inaction politique face aux crises sociales et sanitaires. C’est ce que renferme ‘’Médecin après la mort’’ une création sénégalaise signée Balla Diop, mise en scène par Ibrahima Sarr et produite par Rescap’Art. Cette pièce de théâtre en compétition officielle est présentée dans le cadre des Journées Théâtrales de Carthage 2024.
‘’Médecin après la mort’’ nous plonge dans l’univers d’un laboratoire clandestin où trois voleurs s’introduisent en quête de profit. Mais, leur plan est interrompu par l’apparition du propriétaire, un médecin solitaire rongé par son passé. Victime d’un système injuste après avoir découvert un virus dévastateur, ce médecin, interprété par Balla Diop, a été emprisonné pendant cinq ans, voyant sa vie basculer. Pour tromper leur hôte, les voleurs qui en réalité sont malades de ce virus et à la quête de l’antidote, se font passer pour des patients souffrant de troubles mentaux, donnant lieu à une confrontation oscillant entre tension dramatique et éclats comiques.
Un plaidoyer théâtral pour l’action rapide
Cette pièce de théâtre d’une durée de 55 minutes, va au-delà du simple récit dramatique : elle interpelle directement les décideurs africains. Par le biais de ce médecin persécuté et de ses patients fictifs, Ibrahima Sarr dénonce l’inertie des dirigeants face aux problèmes qui affectent profondément leurs populations. « Nos dirigeants interviennent toujours tardivement, lorsque tout explose, alors qu’il fallait agir plus tôt », souligne le metteur en scène.
Le spectacle appelle ainsi à une prise de conscience urgente : les autorités doivent anticiper les crises, qu’elles soient sanitaires ou sociales, pour éviter de plonger les populations dans une souffrance évitable. À travers cette allégorie, ‘’Médecin après la mort’’ offre un écho universel à des problématiques contemporaines, notamment la gestion des pandémies et des inégalités d’accès aux soins.
Les performances des comédiens, notamment Balla Diop dans le rôle du médecin, et Abdou Mboup, Mamadou Wandianga, Moussa Ndiaye, et Amdy Mbacké Diop, insufflent une intensité palpable. Par leurs gestes et dialogues, ils traduisent avec finesse les émotions complexes d’une société à la croisée des chemins.
Un appel à la réflexion collective
Au-delà de l’intrigue, ‘’Médecin après la mort’’ pousse le spectateur à s’interroger. Que faire pour éviter que l’histoire ne se répète ? Selon le Ibrahima Sarr, metteur en scène, la pièce refuse de dicter une vérité unique, préférant offrir un miroir dans lequel chaque membre du public peut projeter ses propres réflexions. ‘’Médecin après la mort’’ est bien plus qu’un spectacle théâtral ; c’est un plaidoyer pour une gouvernance proactive, un cri d’alarme en faveur d’une Afrique où les populations ne seraient plus les otages de décisions tardives.
En mariant satire, émotion et symbolisme, cette œuvre résonne bien au-delà des frontières sénégalaises et mérite de poursuivre sa trajectoire sur la scène internationale. Une leçon de responsabilité, à la fois poignante et nécessaire.
Une scénographie en retrait
Si ‘’Médecin après la mort’’ séduit par son message poignant et l’intensité de son jeu d’acteurs, la scénographie, en revanche, laisse à désirer. Dans le cadre prestigieux des Journées Théâtrales de Carthage, on aurait pu s’attendre à un décor plus élaboré et imposant, capable de sublimer l’ambiance sombre et symbolique de la pièce. Malheureusement, le choix d’un décor minimaliste, bien que fonctionnel, semblait décalé par rapport à l’ampleur du propos et au potentiel visuel de l’œuvre.
Cette simplicité scénographique risque de ne pas rendre justice à la profondeur du récit et à la richesse des performances des comédiens. Une mise en espace plus audacieuse aurait pu renforcer l’immersion du public et donner davantage de relief à ce plaidoyer théâtral d’une rare intensité.
Bérénice Célia Gainsi
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